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Belladonna

Entre ces pages vous découvrirez une comédie criminelle à l'italienne, avec un sorcier de village déprimé. Des femmes. Jeunes et vieilles, magnifiques et vengeresses. Des hommes, dont un affreux, mort empoisonné. D'autres, amoureux. Un prêtre et sa mère. Trois sorcières. Deux truies. Un camioncino molto capriccioso. Et Lucignolo, le neveu du premier -le sorcier- bien décidé à démêler tout ça.

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Une détective story perchée dans les montagnes des Abruzzes. Ici, le duo Sherlock Holmes-Watson se réincarne en un sorcier du XXIème siècle, quinquagénaire solitaire, amateur de rêveries hallucinées à la psilocybine, et son neveu Lucignolo, ingénu et preux enquêteur, que ne désarment ni les sombres secrets de famille, ni les kilomètres sur de minuscules routes montagnardes, pour disculper son oncle d’un crime mystérieux. On troque avec bonheur les brumes de la lande écossaise contre les sabbats au clair de lune et on croque en quelques bouchées savoureuses le premier épisode de cette aventure italienne signée J.S. Dalrymple. La suite, presto !

                                                                                                                                                 Véronique Cohen

Si vous voulez goûter...

Saltimboca

 

Lucignolo avait entrepris de ranger la maison de son oncle. Il ne toucherait à aucune des photos, ne déplacerait aucun des objets quasi sanctifiés de Michaela, mais au moins pouvait-il laver et ranger la vaisselle, ouvrir le courrier, ordonner les papiers, vider les poubelles, balayer, nettoyer la salle de bain et les toilettes ce que le jeune homme fit avec un détachement quasi religieux.
Un beuglement le fit sursauter et la poudre à récurer lui échappant des mains se répandit dans tous les wécés. Couvert de poudre blanche mentholée Lucignolo courut vers son oncle.
Le hibou avait les yeux rouges, écarquillés, ahuris, la bouche ouverte comme un puits sans fond, la peau presque transparente de son visage, un paysage d'hiver blême et vide.
"Je disparais... je fonds..." articula Augustus en tendant une main tremblante vers la forme qui se tenait près de lui.
Lucignolo prit la main dans les siennes et entreprit d'en frotter les doigts pour leur redonner vie. Comme il vit que son oncle réagissait positivement à ce contact il l'enroula dans sa couverture et frictionna vivement tout ce corps immense et lourd. Les grandes mains osseuses du jeune homme eurent un effet immédiat et Augustus se relaxa.
"Lucignoloooo" souffla-t-il en touchant le bras de son neveu.
Lucignolo s'assura que son oncle était bien réveillé et complètement revenu dans son corps.
"Tu es Augustus Gransolievo, fils de Aristide Gransolievo. La parmiggiana di melanzane est ton plat préféré..." énonça-t-il tel que lui avait enseigné son oncle, le "protocole de réintégration", les mots à prononcer lorsqu'un voyageur parti sur un autre plan de réalité semblait avoir égaré son ticket de retour.
"Et toi tu es mon grand con de neveu..." répondit son oncle qui avait clairement récupéré tous les morceaux de sa personnalité, "fais moi un café. Serré."
Lucignolo bourra le plus de café possible dans la petite machinetta et il la posa sur la gazinière crasseuse en se disant qu'elle aussi aurait bien besoin d'être récurée.

Antipasto

 

Roccacamoscio se trouvait à plus de dix kilomètres de l'antre du Hibou. Sur les petites routes tortueuses de la région de hautes collines et basses montagnes d'Abruzzo, parcourir cette distance n'en finissait pas. Puis le camion était vraiment vieux. Et pas vraiment coopératif. La patience de Lucignolo commençait à être éprouvée. A  chaque fois qu'il devait changer les vitesses le boîtier renâclait bruyamment et le conducteur se surprit à jurer plus qu'à son habitude.
Le crâne de corbeau orné de plumes qui se balançait au rétroviseur y était aussi pour quelque chose, à chaque virage il risquait de lui crever un oeil. Lucignolo n'aimait pas non plus les cartons remplis de bric-à-brac qui naviguaient sur le sol au pied du siège passager. Ce qui ressemblait à un cadavre de chat momifié sortait de l'un d'eux et l'odeur en était plus que déplaisante. Mais ça ne venait peut-être pas du chat. Il devait y avoir d'autres choses mortes et pas complètement décomposées sous les sièges. Ou derrière. Mais on ne voyait pas l'arrière de la camionnette, une paroi de bois vert sombre avait été installée pour isoler la cabine du conducteur de l' "armoire" du sorcier. Lucignolo s'en était senti soulagé en entrant dans le véhicule et il s'était promis de rester cantonné au siège et au volant.
Le camion vira à gauche dans la route qui montait avec des lacets toujours plus serrés. Les sonnailles accrochées sur un des côtés de la cabine accompagnaient chaque virage comme si un groupe de chamanes tibétains invisibles avaient été pris en auto-stop.
Après l'ascension poussive jusqu'en haut d'une colline il fallait maintenant redescendre l'autre côté. Les lacets se déroulaient en une succession de pentes raides et Lucignolo se rendit compte que la pédale de frein était elle aussi capricieuse. L'état du camioncino justifiait la quantité de gri-gris et d'images pieuses accrochées un peu partout autour du siège du conducteur.
"San Cristoforo, san Cristoforo, protège moi !" Lucignolo embrassa du bout des doigts toutes les images chrétiennes et païennes qui l'entouraient et le camioncino enfin arrivé en bas de cette colline se prépara à monter la suivante. Roccacamoscio n'était plus très loin. La route s'enfonça dans l'épaisseur d'un massif forestier qui n'attendait qu'une ou deux saisons sans présence humaine pour se réapproprier tout le territoire. Les hêtres majestueux se penchaient de chaque côté de la voie pour se donner l'accolade et Lucignolo en oublia un temps les caprices de son véhicule.
Puis la forêt s'arrêta net laissant place à un paysage de roches et d'herbes au sommet duquel un village fait lui aussi de roches et d’herbes surgissait de cette matière.
Lucignolo se sentit ému par cet ensemble de bâtisses, ces maisons hautes toutes blotties les unes contre les autres et pourtant fièrement établies au sommet de ce pic comme un défi à l'ennemi depuis longtemps retombé dans les fissures de l'histoire, une bravade à la dureté du sol qu'ils avaient su transformer pour s'en faire des abris, des rues, des temples, un entêtement de montagnard face aux hivers longs et rigoureux, aux vents et au cagnard de l'été. Il avait fallu se protéger de tout ça, et de l'ours et du loup, et vivre malgré tout, s'aimer, donner naissance, pleurer les morts, supporter ses voisins, la belle mère et les belles filles.

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